On est partis !

On est partis.
On est Partis !
On est partis.

L’hiver est géographique. Il s’arrête à Lisbonne. A son sud, c’est un printemps un peu rigoureux, quelques jours parfois. Notre mission en partant début décembre est d’atteindre ce printemps le plus rapidement possible en profitant de chacune des fenêtres de vent de nord pour descendre vers le sud.

Le samedi 26 octobre 2022, nous organisons une fête de départ près de Douarnenez, elle s’enchaîne d’une semaine d’au revoirs avec familles et amis proches. Dès le dimanche 27, une bonne fenêtre de vent de nord s’installe, c’est rare en cette époque et c’est d’ailleurs la première depuis plus de un mois et demi. C’est tant pis pour nous, nous ne voulons partir qu’après avoir passé du temps avec nos proches. De plus on avait dit qu’avant la fête de départ, le bateau serait prêt à partir , et bien sûr, il ne l’est pas. Mais l’est-on jamais ?

Bref, la fenêtre se prolonge, jour après jour, il apparait que nous pourrions partir juste après la semaine d’adieux. Il y a tout de même de la fatigue après tant de bacchanales, peut-être un peu de covid, des déménagements, bricolage, rangements et changements de dernières minutes. Le ponton est plein. Maintenant, il faut tout faire rentrer.

Lundi 5 décembre au soir, dernier moment où nous pouvons prendre une décision sur notre départ le lendemain, ou non, ce qui refermera la fenêtre jusqu’à la prochaine.

On sait que si on part, du gros temps nous attend le long des côtes galiciennes. 30 noeuds, soit environ 50km/h de vent, mais dans le bon sens. La Baleine, bateau taillé pour le voyage ne devrait pas s’en faire, mais puisqu’elle ne l’a toujours pas fait avec nous, une appréhension nous traverse. De plus, on a toujours pas testé nos plus petites voiles comme le tourmentin ou nos deux focs de récup, et la barre à roue nous a lâché !

Dans la fatigue, le doute, le bazar du bateau et la tension, un consensus mou de départ est obtenu. ça y est, on « réalise notre rêve »…
Le lendemain, les dernières bises sont faites, et les amarres larguées ! On gagne un passager en rab qui saute du ponton, et Kenavo Douarnenez !

Le premier bord à plat dans la baie permet un premier repos avant la traversée du Golfe de Gascogne. On devait discuter de notre manière de naviguer, mais bon, l’instant présent est privilégié. La nuit tombe, on est en retard sur le Raz de Sein qui ne se passe qu’à des horaires précis selon la marée. On décide de passer au large. La nuit tombe, le vent monte, les vagues se forment, le bateau roule. A chaque vague du gazole s’échappe de la cuve par un joint mal fixé et de l’eau éclabousse par le puits de dérive pas jointé… Hop, premiers bricolages dans la houle !

A la vue des conditions, de l’énergie des troupes, et de l’appréhension, on décide d’utiliser le GPS pour le moment afin de passer sereinement la chaussée de Sein. Aux dernières vues d’Ar Men, et de notre Bretagne, en les saluant de loin, on repasse à l’Estime. Un point toutes les heures où l’on estime notre vitesse et notre cap, sachant que notre compas n’est pas encore complètement réglé… Deux ou trois jours comme cela, mais à la sensation des côtes galiciennes se rapprochant, de la montée du vent et des vagues et à certains membres d’équipages n’ayant pas encore fermé l’œil sereinement depuis le départ, nous repassons au GPS pour être sûr de passer le cap Finisterre (Galicien) comme il faut sans perdre trop de temps.

Les vagues grossissent, le bateau surfe, il tient bon. Ceux qui voient ces monstres pour la première fois hallucinent, les autres savent que ce sera très bientôt presque un doux souvenir de la puissance de la mer qu’il nous est permis de contempler en ces rares moments.

Nos voiles (focs et tourmentins non testés !) claquent et cassent les unes après les autres. Elles sont déjà vieilles ! Un peu de couture nous attendra. On sait la terre pas loin, des satellites nous l’assurent, mais reste cachée dans les nuages et les nuées. « Terre en vue !!! », une montagne perce, elle re-disparaît bien vite. On continue. Il est plus arrangeant de passer au plus vite le cap et d’aller à Vigo transmettre un colis de livres pour pouvoir repartir dès que le vent nous le permettra.

On passe le cap après un peu plus de 3 jours et 3 nuits de navigation. Le vent bloqué par les sommets galiciens se calme, la mer s’aplatit. On l’a fait ! La Baleine a tenu, l’équipage est toujours là.

La nuit tombe, les phares s’allument. C’est parfait pour repasser en navigation côtière à la carte. Armés du compas de relèvement et de la règle de Cras les membres de quart se relaient toute la nuit pour faire une entrée au petit matin dans la Ria de Vigo, suivit de près par un cargo. Une recherche approfondie est menée pour l’entrée précise du port.

6h du mat’, on affale, on allume le moteur, petite manœuvre et hop on touche la terre !

Il n’y a plus qu’à explorer la ville à la recherche d’un café con leche accompagné de churros ! On est trop tôt… On ne tombera que sur les sorties de boites de nuit du samedi matin, et ses usagers souffrant d’un mal de terre encore plus sévère que le nôtre ! ça tangue de partout !

Bisous

Lucas pour Mégafaune