Ça y est ! J’ai tracé ma première droite de hauteur !
Pour les non-initiés, j’ai relevé un astre (en l’occurrence le soleil) à l’aide d’un sextant et suite à quelques calculs, j’ai pu tracer une droite sur la carte me disant qu’on devait être à peu près quelques part sur cette droite.
N’ayant quasiment jamais navigué avec des initié.e.s m’ayant transmis ce savoir, c’est suite à quelques heures plongé dans des bouquins, réparties sur plusieurs années que j’ai pu réaliser cette droite !
Je suis content, c’est beau, c’est gratifiant, c’est exigeant et technique, c’est intéressant. On se sent en lien avec le monde. On peut se placer dessus !
Et à la fois, ça paraît vain…
En ce moment précis, 7 GPS totalement fonctionnels sont présents dans chacun des 7 smartphones de l’équipage. Bientôt, la table à carte de la Baleine sera agrémentée d’un ordi de bord connecté à un 8éme GPS, le bateau sera complètement appareillé pour la navigation électronique.
À tout moment, un point hyper précis peut-être réalisé. Nous pouvons savoir notre vitesse, notre cap, des cartes ultra-précises, la marée, le courant.. . Tout.
Dans ces conditions, comment se passionner pour un art désuet ? Lui qui était encore il y a peu l’essence même de la navigation. La compétence centrale pour se mener en bateau !
Le prendre comme tel ? Un artisanat, un savoir-faire qui par l’évolution des technologies est rétrogradé au rang d’art brut. La beauté de la pratique pour la beauté de la pratique, l’érudition pour l’érudition, le plaisir de la pratique pour le plaisir de la pratique.
Ça me fait chier.
Déjà, qu’on se fait chier sur un bateau, un des seuls trucs qui faisait passer le temps ne sert plus à rien. Heureusement que Musk et ses satellites vont bientôt nous envoyer internet partout sur le globe. Comme ça on pourra regarder des séries netflix ou lire le direct du journal le Monde ou regarder des photos de merde sur Instagram au bon vouloir de chacun.e pour faire passer la croisière !
Alors quoi faire ?
Sur la Baleine, il y a débat.
On serait pas sur ce rafiot si il n’y avait pas l’envie d’avoir prise sur nos vies, d’essayer d’être en lien avec le monde. Mais la sécurité est importante et aujourd’hui, avec la raréfaction des phares, la disparition des phares à ondes, en cas de brume ou de tempêtes, la technologie est un appui très réconfortant, voire salutaire…
Puis, comme tout confort, quand il est là, on s’y fait !
Alors comme tout le reste, on louvoye, on essaye, on s’adapte, on réfléchit… !
Bon, je vous laisse, il faut que j’aille relever le soleil à heure fixe !
Lucas
En savoir +
La navigation astronomique permet de se positionner sur la terre à l’aide des astres (étoiles, planètes, soleil, lune). Elle est surtout utile pour traverser les océans quand il n’y a pas de terres visibles auxquelles s’identifier. A la différence du GPS, il n’y a pas de précision exacte. C’est une course permanente à l’à-peu-près. Il s’agit d’enchainer les relevés et le corréler à son estime (cap-vitesse) pour toujours savoir à peu près où on est. Cela jusqu’à l’atterrissage et la première côte visible qu’il s’agit d’identifier le plus prestement afin de savoir enfin avec certitude où l’on est !
Avez-vous déjà vu les extra-terrestres venir débarquer en colonne sur la terre ? C’est maintenant possible depuis novembre 2019 et le lancement des satellites Starlink de l’entreprise Space X appartenant à Elon Musk. Entre 40 et 60 satellites sont balancés toutes les semaines, vous pouvez ou avez pu les apercevoir dans un beau ciel étoilé passer pendant quelques secondes en colonnes au dessus de vos têtes. Cela, jusqu’à ce qu’ils se positionnent en orbite géo-stationnaire et soient plus difficilement repérable à œil nu. Il y en a déjà plus de 3500 et l’entreprise souhaite en installer 12 000 à court-terme (2025) et 42 000 à moyen terme… Le but de la manœuvre, permettre une couverture globale d’internet. Finies les zones blanches ! Même en mer on aura plus de bonnes raisons de ne pas envoyer la photo des dauphins jouant à l’étrave du bateau sur le groupe whatsapp de notre famille !
Confort ou abrutissement ?
Cela devrait être un choix, mais souvent nos ‘péchés capitaux’, qui ne sont plus brimés par les dogmes anciens et rarement encadrés par des valeurs et idéaux émancipateurs, nous font glisser dans le non-choix et la facilité… Saleté de circuit de la récompense ?
Mégafaune 